PAR B. CAROLINE KOUASSIAMAN
Connaissez-vous ce sentiment – quand on dort sous le moustiquaire et qu’on retrouve encore des moustiques qui persistent à l’intérieur, malgré toutes les tentatives de se protéger ? Ensuite, il y a aussi toute une autre nuée de moustiques qui tournent autour, en attendant qu’on sorte. Malgré le beau discours autour du changement des rapports de pouvoir et de la décolonisation dans les secteurs de la philanthropie et du développement international, des enjeux tels que la colonisation, le racisme, le sexisme, l’homophobie et la transphobie, sont d’une endurance incroyable, tout comme les moustiques.
Elles rodent tout autour, et bien qu’elles ne soient peut-être pas si proches au point que l’on entende leur bourdonnement à l’avance, elles sont tout à fait présentes. Parfois, ce n’est pas tellement les expressions ou les actions explicites que l’on remarque, mais le fait que l’on ait été amenée à se demander “est-ce
que cela vient vraiment de se produire ?”, à la suite de micro-agressions subies dans des réunions, en écoutant des voix subtiles qui parviennent à en mettre d’autres sous silence, en observant la façon dont les contributions qui challengent le statu quo sont réorientées vers des conversations “hors-ligne” ou “bilatérales”, en lisant les commentaires des uns qui sont ignorés sur un document partagé, en voyant la façon dont certaines personnes sont déclarées expertes dans un sujet donné.
En 2020, j’étais plus ou moins nouvelle dans mon rôle de Directrice Exécutive de l’Initiative Sankofa d’Afrique de l’Ouest (ISDAO), un Fonds ouest-africain, basé en Afrique de l’Ouest même, et dirigé par des activistes. Là, je me suis etrouvée face à une situation pour laquelle je n’étais absolument pas préparée : je me suis vue obligée de risquer ma carrière et mon organisation pour dire quelques vérités.
L’année précédente, en 2019, nous nous sommes embarqué-es dans une série d’engagements pour établir un partenariat avec une organisation puissante du Nord Global pour un futur projet. Nous étions très enthousiastes à l’idée de faire partie du processus de développement de ce projet et de contribuer largement avec nos idées et nos connaissances, surtout en tant qu’organisation partenaire future dans le cadre de la mise en œuvre de la vision envisagée.
Au fur et à mesure que nous avancions dans le projet, des problèmes autour de la coordination et du leadership se mirent à surgir. Ces problèmes étaient surtout liés à la personne qui exerçait ces fonctions. En rétrospective, les moustiques était effectivement là – il y avait plusieurs indicateurs qui menaient vers ce dénouement, signalant que ça n’allait pas.
En 2020, juste après une réunion virtuelle des membres du consortium, qui s’est avérée assez tendue et longue, certaines personnes d’entre nous se sont mises à échanger des messages sur WhatsApp, ce qui nous a vite mener à nous organiser. Nous avions atteint notre point de rupture. Nous en étions arrivé-es au point de “Aujourd’hui c’est aujourd’hui” , comme l’on dit en Côte d’Ivoire.
Ceci est un extrait de “Aujourd’hui, c’est aujourd’hui: Comprendre les dynamiques de pouvoir et s’exprimer en tant que Fonds activiste Ouest-Africain, une contribution à Speaking Back, Speaking Black.
Ce magazine, le projet final et cadeau de départ d’AiD, raconte l’histoire de la philanthropie moderne, et de son potentiel, à travers un prisme exclusivement africain, afrodescendant et noir.
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Droits de l’image illustrative de la couverture : AiD & Amir Khadar