Apprentissages: Travailler au sein d’une équipe entièrement distante et diversifiée sur le plan linguistique

Staff of ISDAO at a staff retreat in 2021

Par Stéphane Simporé, Directeur des Communications et de la Gestion des connaissances.

Pour notre rapport annuel 2021, le Directeur des communications et de la gestion des connaissances de l’ISDAO a partagé certains de nos apprentissages en travaillant en tant qu’équipe entièrement distante et diversifiée sur le plan linguistique.

Comment avez-vous vécu la transition d’une équipe de 3 personnes à une équipe de 8 personnes en quelques mois ? Quels ont été les défis ? Quelles ont été les joies ?

ISDAO a embauché ses premiers membres du personnel en début de l’année 2019 progressivement. Entre cette période jusqu’au milieu de 2021, le personnel de l’ISDAO était composé de 3 personnes. Puis de nouvelles personnes ont rejoint l’équipe qui est passée à 8 personnes. Nous avons accueilli cette croissance avec joie et soulagement car nous savions que l’arrivée de nouvelles personnes signifiait que notre charge de travail allait être mieux partagée et que nous pouvions développer notre engagement dans notre mouvement. Nous étions excités-es de l’énergie, de l’enthousiasme et des compétences que ces nouvelles personnes apportent pour le développement de l’ISDAO. Et c’était effectivement une réalité.

L’ISDAO reflète de plus en plus à travers cette croissance du personnel l’énergie et les diversités de nos communautés y compris la diversité linguistique. Nous avions deux peurs majeures : le fait de travailler à 100% en ligne et à distance en tant qu’équipe, et la disparité linguistique. Bien que l’ISDAO soit une organisation parfaitement bilingue français et anglais, tous les membres du personnel ne comprennent pas parfaitement les deux langues. Par exemple, dans le Département Communication et Gestion des connaissances, avec l’arrivée de nouveaux membres du personnels, le département était à présent composé de deux personnes qui sont respectivement uniquement francophone et uniquement anglophone.

Quels sont les défis à relever pour travailler dans une équipe diversifiée sur le plan linguistique et entièrement à distance ?

Etre une équipe diversifiée sur le plan linguistique et qui travaille à distance est très complexe et demande une infrastructure façonnée. Les défis sont multiples : La langue/le langage sont un vecteur majeur de partage des données au quotidien dans les relations professionnelles. Or s’il y’a une barrière linguistique, ceci peut être est un obstacle important dans la collaboration.

De plus, travailler à distance rend ceci plus ardu parce qu’à défaut de pouvoir s’exprimer oralement, on a d’autres moyens d’expressions tels que l’expression corporelle, les mimes. Mais cela ne marche que lorsque les deux communicants-es se voient physiquement. L’autre défi est les interactions avec des partenaires y compris les partenaires subventionnés qui sont basés dans un pays de langue de travail différente de la langue principale du membre de l’équipe de ISDAO.

Donc, il était important pour l’ISDAO de mettre en place un ensemble de mécanismes et d’outils pour surmonter ces défis et continuer d’être une organisation d’inclusion y compris de l’inclusion linguistique.

Quelles sont les stratégies ou les efforts adoptés par les membres de l’équipe de l’ISDAO pour relever ces défis ?

Avant tout, je veux reconnaître les avantages du travail à distance qui sont : la flexibilité pour chaque membre d’organiser son travail : cela donne une responsabilité morale à la personne et crée un esprit de confiance mutuelle dans la collaboration. De plus, cela forge une auto-discipline individuelle et crée aussi des conditions pour une culture de redevabilité individuelle et collective. L’autre sujet est la disparité linguistique entre les membres du personnel : l’ISDAO a fait ce choix en reconnaissant la rareté des ressources du savoir dans la région, mais aussi dans la vision de surmonter certains critères de recrutement qui peuvent être discriminatoires dans le secteur de la philanthropie et de la justice sociale dans notre région et bien au-delà.

A l’ISDAO nous avons expérimenté plusieurs outils et structures pour surmonter la barrière linguistique et les défis du travail à distance. Pour une inclusion linguistique, nous avons adopté une infrastructure qui est composée d’un outil/ application de traduction systématique des courriels et de messages que les membres du personnel se partagent. Cela veut dire que les messages interchangés se font obligatoirement dans les deux langues de l’ISDAO en utilisant l’application pour traduire dans l’autre langue. Lorsqu’il s’agit du contenu d’un document plutôt formel et externe, nous faisons appel à un-e traducteur-rice professionnel-le et nous avons pu constituer un répertoire important dans ce sens.

Ensuite, nous avons constitué également un répertoire important d’interprètes professionnel-les qui en plus de maîtriser les techniques de l’interprétation simultanée ou consécutive, maîtrisent parfaitement notre vocabulaire de travail en respectant la diversité et l’inclusion du genre. Ces interprètes interviennent lors de nos réunions virtuelles internes, mais aussi externes avec les partenaires y compris les réunions physiques. Enfin, au sein de l’ISDAO, il existe un mécanisme de soutien au personnel pour effectuer des cours de langues afin d’être parfaitement bilingue français et anglais et plusieurs membres du personnel se sont inscrits.

Pour ce qui est du travail à distance, il a été également mis en place un mécanisme adapté pour “réduire” la distance entre le personnel à travers l’adoption de plusieurs canaux d’interactions entre les membres que sont principalement Whatsapp, Zoom, et naturellement l’adresse email professionnel. De manière pratique et formelle, hebdomadairement, nous organisons une pause-café virtuelle où l’ensemble du personnel participe. Comme son nom l’indique, c’est un espace de conversation virtuelle informelle pour discuter de « tout et de rien » sauf du travail. Puis, nous avons les réunions régulières du staff avec l’appui technique d’interprète. Ensuite nous avons les réunions de départements, les réunions de leadership, etc. Cela peut sembler trop de réunions, mais elles sont nécessaires pour rester en contact et réduire les centaines voire milliers de kilomètres qui peuvent séparer les membres du personnel.

Enfin, nous tenons environ tous les 6 mois notre retraite du staff qui est un moment important de nous connecter physiquement, de planifier notre travail et de construire notre équipe autour de notre engagement au sein du mouvement LGBTQI. Nous utilisons aussi des moments de visites physiques de nos partenaires- subventionnés dans la région pour nous connecter entre nous en personne.

Quels conseils pouvez-vous donner à d’autres organisations qui tentent de mettre en place une équipe répartie sur le plan régional, diversifiée sur le plan linguistique et/ou éloignée ?

Une structure de fonctionnement comme celle de l’ISDAO est rare et est relativement nouvelle. Nous reconnaissons la complexité de sa mise en pratique sur plusieurs aspects. Cependant, les défis que cela comporte ne sont pas insurmontables, et le fonctionnement de l’ISDAO en est la preuve. A l’ISDAO nous nous sommes ouvert-es à l’apprentissage : adopter cette structure de travail à distance et de la diversité de langue a été un apprentissage et au fur et à mesure que nous essayons tel ou tel outil de travail et collaboration. Nous évaluons et adoptons l’outil en fonction des besoins de notre travail. Cela veut dire qu’il ne faut pas hésiter à essayer.

De plus, il ne faut pas hésiter à avoir une approche participative dans la construction d’un tel système. Cela veut dire qu’il faut ouvrir l’approche à l’ensemble du personnel afin de pouvoir proposer des solutions novatrices et adaptées selon les besoins et les contextes. Par exemple, à l’ISDAO il est arrivé d’organiser des réunions formelles à travers un appel groupé sur l’application de Whatsapp selon le fait que l’accès à l’internet peut vaciller d’un pays à un autre dans la région.

L’autre point important est la flexibilité dans une telle approche : cela veut dire qu’il faut être flexible pour ajuster un outil ou le changer radicalement si cela ne semble pas marcher pour un membre du personnel. A l’ISDAO, nous avons également bénéficié du conseils et suggestions des interprètes professionnel-les dans la mise en place de notre infrastructure de travail afin de la rendre viable et durable. Il ne faut donc pas hésiter à solliciter leurs contributions.

Avez-vous d’autres réflexions, conseils ou leçons à partager sur votre expérience au sein de l’équipe ISDAO ?

Adopter une infrastructure d’une équipe répartie géographiquement travaillant à distance avec des disparités linguistiques peut paraître impossible. Or, la récente crise sanitaire mondiale a obligé plusieurs organisations/entreprises/compagnies à instaurer une infrastructure de travail à distance de manière brusque et cela a continué bien que le niveau d’élévation de la crise ait généralement baissé aujourd’hui. Plusieurs organisations continuent progressivement de changer leur structure de travail pour la rendre à distance et le personnel l’apprécie car il a plus d’avantages que de défis insurmontables.

Cela en vaut de même pour la composition d’une équipe à disparité linguistique. A l’ISDAO nous avons capitalisé notre pratique et notre apprentissage au cours des dernières en la matière dans un guide publié récemment afin de soutenir les organisations qui veulent l’approcher de pouvoir le faire et d’adapter les outils à leurs besoins.

Cet article a été publié pour la première fois dans notre rapport annuel 2021.

Cliquez sur le lien ci-dessous pour télécharger le rapport complet et en savoir plus de notre travail en 2021 et les autres apprentissages que nous avons partagés.

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